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5 juin 2019 3 05 /06 /juin /2019 01:01

Un bel exemple en est aujourd’hui l’usage constant du selfie. Les dangers en sont d’ailleurs tout aussi constants. Ainsi un touriste saoudien qui se prenait en selfie sur les bords du Nil en Ouganda est tombé et est mort noyé. « Il a glissé parce que le sol était mouillé et qu’il s’est penché en arrière pour se prendre en selfie avec les eaux bouillonnantes en arrière-plan », a dit la porte-parole de la police, précisant que son corps avait été retrouvé à quelque 10 km en aval. Selon une étude du All India Institute of Medical Sciences de 2018, les accidents de selfies ont fait 259 morts dans le monde entre octobre 2011 et novembre 2017 (Source : AFP, 09/04/2019).

 

Je me demande d’où vient cette manie si répandue maintenant de se prendre en photo à tout bout de champ. Ce qui intéresse nos contemporains est moins ce qu’ils voient que leur propre image, qui occulte le reste et les dispense de le voir directement. Ici, ce sont des chutes d’eau grandioses. Ailleurs, ce sera une œuvre d’art dans un musée, etc. Dans les deux cas, ni le paysage ni l’œuvre d’art ne sont vus vraiment, puisqu’on leur tourne le dos. Ils ne sont que prétexte à une mise en scène de soi.

 

Elle présuppose un parfait contentement de soi-même, une parfaite satisfaction. Et c’est là ce qui me paraît suspect. Certes je sais bien que le fait de ne pas s’aimer peut être le signe d’une dépression. Mais il ne faut pas le confondre avec un certain mécontentement de soi qui peut être aussi l’ouverture vers autre chose que l’on entrevoit, et à laquelle on aspire dans une tension véritablement humanisante.

 

Dans L’Homme unidimensionnel, Marcuse critique la « conscience heureuse » très répandue chez les modernes, qui signifie ce qu’il nomme la défaite de la Transcendance. C’est le propre des esprits matérialistes, qui oublient que l’homme passe infiniment l’homme, selon la formule de Pascal. Ils trouvent dans le bonheur et le contentement de soi l’oubli de cette petite voix intérieure, qui nous dit ou devrait nous dire que nous ne sommes pas (vraiment) ce que nous sommes (ordinairement). C’est la voix de l’âme, qui nous institue en humanité, et qui est maintenant étouffée.

 

Il faut chercher l’homme dans l’idéal qu’il se propose, et non dans la complaisance affichée à soi-même. Comme disait Nietzsche dans son Zarathoustra : « Le plus méprisable des hommes est celui qui ne sait plus se mépriser lui-même. »

 

Une famille se prend en selfie avec le Nil en arrière-plan à Jinja, en Ouganda, le 25 janvier 2019 (D.R.)

 

***

 

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28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 01:01

Il existe encore, surtout aux USA, des platistes, qui croient que la terre est plate. Il y a d’abord les complotistes, qui disent que la rotondité terrestre fait partie des fausses nouvelles (fake news) propagées par exemple par la NASA, et que la photo de notre globe diffusée depuis l’espace est un leurre. Ensuite il y a les créationnistes, qui interprètent littéralement la Bible, où ils ne voient aucun passage disant que la terre est ronde. Les deux catégories ne croient pas non plus au réchauffement climatique, la première refusant cette idée parce qu’elle est soutenue encore par la NASA, et la seconde pensant que l’homme étant créé à l’image de Dieu, ce dernier ne pourrait permettre que sa créature ait un comportement si catastrophique.

 

Dans ces deux cas le croire vise une opinion que l’on professe. Lorsque la croyance va à l’encontre de ce que prouve toute la communauté scientifique, on peut bien parler de crédulité.

 

Mais il ne faut pas ici confondre la croyance avec la confiance ou la foi, qui sont tout autre chose. Le croire que n’est pas le croire en. Le Credo par exemple dit bien en son début : « Je crois en Dieu... » (en latin Credo in Deum), et non pas : « Je crois que Dieu existe » (qui serait en latin : Credo Deum esse). Il ne s’agit pas ici d’une opinion, mais d’un mouvement de l’âme. L’accusatif d’ailleurs (in Deum) marque bien une direction, celle vers laquelle se porte la confiance. Ce n’est pas un lieu où se reposer définitivement, comme dans une certitude (dans ce cas on aurait en latin un ablatif (Deo). Le grec aussi a ici un accusatif de mouvement : Pisteuô eis Theon.

 

C’est une belle chose que la foi ou la confiance. Elle est à la base d’ailleurs de toute la structure sociale, qui pour bien fonctionner a besoin d’une fiducia, d’un crédit minimal porté à tous les signes symboliques et systèmes représentatifs qui la sous-tendent. Dans notre vie aussi il est grave que la confiance nous abandonne : certains, à qui elle a été enlevée depuis leur enfance, ne s’en remettent pas.

 

Aussi la tentation est-elle grande de se replier sur la croyance, sur les sécurisations qu’elle donne. Cela va des opinions plus ou moins farfelues, comme celles susmentionnées, jusqu’à l’adhésion à des dogmes religieux que le catéchisme nous a inculqués. On oublie vite la parole évangélique, si profonde pourtant : « J’ai foi. Viens en aide à mon manque de foi ! » (Marc 9/24).

 

D.R.

 

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15 mai 2019 3 15 /05 /mai /2019 01:01

Ce peut être le fait de confier à un tiers la charge d’exprimer, à notre place, nos propres idées. Un exemple insolite vient d’en être donné par le fondateur de la plateforme #Wistand (We stand : « Nous prenons position », en anglais), qui propose à ceux qui voudraient manifester leur mécontentement sur un sujet qui leur tient à cœur, mais qui ne peuvent pas se rendre physiquement au lieu de la manifestation du fait de l’éloignement, de payer un « messager » pour aller manifester à leur place. Le messager reçoit les instructions de son commanditaire par smartphone et leur obéit en temps réel. Il peut même porter un T Shirt ou une banderole (payants) selon le désir de ce dernier. La prestation est facturée 15 euros de l’heure, et le fondateur prend 20% de commission sur chaque transaction. Il affirme que Wistand est « l’équivalent du vote par procuration, appliqué aux manifs ». (Source : AFP, 03/05/2019).

 

Je savais déjà qu’on pouvait payer des personnes pour faire la queue à notre place dans les administrations où l’attente est longue, au point que certains y trouvent un dérisoire moyen de subsistance. Mais une chose est de simplement gagner du temps dans ce cas, et une autre est de confier à un inconnu le soin d’exprimer son opinion, qui doit relever de l’intimité de chacun. Le cas de la procuration électorale est exceptionnel, et se justifie par l’incapacité où l’on est de voter, pour des raisons médicales ou professionnelles. On y sait à qui on fait confiance, et le bulletin écrit n’est pas l’expression orale.

 

Sans aucun doute ce sont les cortèges des gilets jaunes qui ont suscité cette initiative. Je doute qu’elle réussisse dans ce cas. D’une part parce que les gilets jaunes sont pour une démocratie directe et refusent l’idée de représentation, et de l’autre parce que le prix demandé pour cette prestation est inaccessible pour ceux dont le mécontentement initial venait de la difficulté à boucler les fins de mois.

 

Wistand est pour son concepteur un « nouvel outil qui redonne une voix à la majorité silencieuse ». Mais c’est surtout une nouvelle façon de faire de l’argent. Dans les périodes troublées il y a toujours des profiteurs. C’est le cas ici. Le danger est double : déposséder les gens de leur capacité d’intervenir directement en ce qui concerne leurs propres affaires, les déresponsabiliser. Et truquer la validité des manifestations en subordonnant leur poids et leur authenticité à la seule puissance aujourd’hui admise, celle de l’argent.

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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