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28 octobre 2022 5 28 /10 /octobre /2022 01:00

E

lle me semble le fait de l’Église catholique allemande, qui vient d’excommunier tous ceux qui ne paient pas l’impôt religieux traditionnel, comme le rapporte le quotidien Die Welt.

 

Ce décret a reçu la bénédiction du pape, et est entré en vigueur à partir du 24 septembre dernier (Source : Slate.fr, 22/09/2012).

 

Je sais bien qu’en Allemagne, comme chez nous en Alsace, on considère les ministres du culte, catholiques et protestants, comme des fonctionnaires, et qu’ils sont à ce titre rémunérés par l’État. Chez nous cela s’appelle le système du Concordat. Outre-Rhin, un impôt spécifique est prélevé sur les fidèles. Et certes il y a une certaine logique à dire à ceux qui ne le paient pas qu’ils ne peuvent bénéficier des prestations offertes par l’Église : on ne peut pas, comme on dit vulgairement, avoir le beurre et l’argent du beurre, ne pas payer et vouloir encore bénéficier des cérémonies, des bénédictions, de l’encens, des musiques, etc.

 

Cependant cette façon de voir a des aspects fort contestables. Quid du fonctionnariat en matière de ministère ? Drewermann a bien justement critiqué les clercs vus de cette façon dans son livre Fonctionnaires de Dieu. L’Église n’apparaît ici que comme un prestataire de services tarifés. Or c’est contre cela précisément que Luther s’était dressé, contre le risque de simonie, c’est-à-dire le fait de trafiquer des services sacrés.

 

L’Église, me semble-t-il, doit quasiment par définition être accueillante à tous, et ses services devraient être gratuits. D’une part parce que certains sont trop pauvres pour les rémunérer. Et de l’autre par principe : Dieu ne fait exception de personne, il fait lever son soleil sur les justes et les injustes, et dans sa maison pas plus qu’ailleurs on ne peut le servir au même titre que Mammon.

 

L’Église catholique allemande fait preuve ici, outre de cupidité, d’une rigueur inflexible. Elle manque de charité, et on peut voir dans son décret une forme de chantage.

 

Cet exemple montre, a contrario, qu’on ne vantera jamais assez la laïcité. Elle rend à César ce qui lui appartient, et à Dieu ce qui est à Dieu. Le denier du culte chez les catholiques français est une contribution volontaire et gratuite : on donne librement, on ne s’acquitte pas d’un impôt. Il ne faut pas faire intervenir un contrat calqué sur ceux de la société civile là où il ne devrait y avoir qu’un élan spontané du cœur.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 11 octobre 2012

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 01:00

U

ne future ministre régionale allemande, qui sera la première femme d’origine turque à un tel poste, a provoqué un tollé dans son propre parti CDU (conservateur), en prônant le retrait des crucifix des écoles publiques.

 

« Les symboles chrétiens n’ont pas leur place dans les écoles publiques », a-t-elle déclaré. « L’école doit être un lieu neutre », a-t-elle ajouté, précisant que le voile n’avait « rien à faire » non plus dans une salle de classe.

 

De tels propos me semblent frappés au coin du bon sens : la laïcité ne se partage pas, et on n’y peut faire deux poids deux mesures. Ils ont cependant suscité des réactions très hostiles de la part de membres du même parti. Ainsi le ministre-président de Basse-Saxe a-t-il déclaré : « Les symboles religieux, en particulier la croix, sont considérés par l’exécutif régional comme le signe d’une éducation empreinte de tolérance, sur fond de valeurs chrétiennes. »

 

Je crois rêver ici : la croix est-elle un exemple de tolérance ? C’est en son nom et sous son égide que se sont faites les Croisades, qui n’en sont pas un modèle bien probant.

 

Et d’autre part cette croix résume-t-elle toutes les « valeurs chrétiennes » ? Distinguons-la d’abord du crucifix, où figure l’effigie du Crucifié : celui-ci est choisi par les catholiques, et celle-là, comme seul symbole du poteau sacrificiel, par certains protestants. Mais pas par tous : les réformés en effet lui préfèrent le Livre, de façon à mon avis bien plus intéressante. Un enseignement me semble toujours préférable à l’image d’un supplice. La réflexion en effet y gagne, même si l’émotion y est moindre. On peut en effet préférer le Christ enseignant qui nous sauve, au Christ qui nous sauve en saignant...[1]

 

Ensuite, en fait de « valeurs chrétiennes », il faut les mettre en perspective, et il n’y a pas que les choix dominants. Cette valorisation paradoxale de la croix nous vient de Paul, dans sa première épître aux Corinthiens : « Car la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu. » (1/18)

 

Mais ce n’est pas parce qu’elle constitue bien en effet pour la majorité le christianisme, que celui-ci se résume à celle-là. Il peut très bien exister un christianisme sans le supplice rédempteur de la croix, et sans résurrection post mortem de Jésus. Cette position est celle des anciens Gnostiques, des Pétrobrusiens médiévaux, des Sociniens du 16e siècle, etc.

 

Ainsi, ceux qui se cramponnent si agressivement à la croix comme seul symbole chrétien possible feraient mieux d’étudier la pensée de tous ceux qui, dans l’histoire, l’ont rejetée, pour des raisons qui ne sont pas du tout méprisables.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 6 mai 2010

 

[1] ... comme je l’ai dit dans mon ouvrage Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, éd. BoD, 2018.

 

D.R.

 

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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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22 octobre 2022 6 22 /10 /octobre /2022 01:00

On ne voit pas où elle peut s’arrêter aujourd’hui. Je pense au tweet du patron de Total, qui s’est dit « fatigué » de l’accusation qu’on lui a faite de s’être augmenté cette année de 52%. Il a donc communiqué son salaire annuel, pour les 5 dernières années : il est de 5,5 millions d’euros. Mais il a ajouté que c’est 40% de moins que la moyenne des patrons du CAC 40 en 2021. Autrement dit, il n’est pas un privilégié. Ses employés apprécieront.

 

Le plus préoccupant, en dehors de ces chiffres bruts, est l’évolution qu’ils traduisent dans la durée. Le salaire actuel de M. Pouyanné est de 340 fois le SMIC, tandis que le ratio grand patron/salarié le plus modeste était en France de 1 à 25 dans les années 1980. Et dans le monde la rémunération réelle des PDG a augmenté de 1460% depuis 1978. (Source : Huffintongpost, 18/10/2022)

 

Ces chiffres stratosphériques donnent le vertige, et ne peuvent que susciter évidemment en chacun soit la colère, soit le dégoût, ou bien les deux à la fois. Voilà un personnage qui vit totalement hors sol, ainsi que ses homologues : que ne redescendent-ils sur terre, pour voir comment vivent réellement certains de leurs frères humains !

 

C’est Georges Orwell qui a parlé d’une common decency, une décence ordinaire, un sens inné de l’entraide et de la morale propre aux classes populaires. C’est un fait que, par exemple, les pauvres donnent plus que les riches, les premiers manifestant spontanément leur empathie à ceux qui sont dans le besoin, et les seconds s’occupant surtout de faire fructifier leur richesse, que les dons pourraient écorner. Mais enfin l’argent ne se mange pas : Midas en a fait l’amère expérience, qui obtint de pouvoir changer tout ce qu’il touchait en or, et qui ne put dès lors ni manger ni boire. Je pense aussi à la perplexité de Fernandel dans le film Crésus de Jean Giono : le trésor qu’il avait trouvé lui permettait de s’acheter une bicyclette chaque jour. Mais à quoi bon avoir tant de bicyclettes, si ce n’est pas pour s’en servir ?

 

Auri sacra fames : la détestable soif de l’or. Elle a bien sûr toujours existé. Mais il me semble que notre époque la pousse à un point extrême. Et c’est au mépris de la plus élémentaire réflexion : il ne sert à rien d’être le plus riche du cimetière. Voyez la parole de Dieu au thésauriseur : « Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ? » (Luc 12/20)

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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