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9 mai 2024 4 09 /05 /mai /2024 01:01

N

ormalement, simplement à le voir dans sa tenue excentrique, il fait rire les gens : on se moque toujours de ce qui s’écarte de la norme, et c’est bien son cas.

 

Certes il y a des cas où un esprit plus adulte peut voir, derrière la façade joviale, la tristesse, selon ce que dit Baudelaire dans « La Muse vénale » : « Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas. » On connait encore le tragique et antiphrastique « Ris donc, Paillasse ! » de l’opéra de Leoncavallo, où le héros est obligé de faire rire, au milieu d’une très grande douleur. Mais enfin ces deux faces restent dans le cadre de l’humain, dont la condition, même fort complexe, voire contradictoire, reste compréhensible.

 

Mais le clown aujourd’hui sort de ce cadre, pour entrer dans celui de l’incompréhensible à tout esprit normal. Je veux parler de ces clowns effrayeurs et méchants, dont la mode sévit actuellement.

 

Ainsi simplement dans mon département de l’Hérault on a noté plusieurs agressions dont ils ont été les auteurs. À Montpellier, un piéton de 35 ans a reçu 30 coups de barres de fer par un homme grimé en clown qui voulait le dépouiller. Plusieurs autres cas se sont produits dans d’autres localités proches de chez moi. (Source : Le Parisien, 26/10/2014)

 

Cette mode des « clowns qui attaquent » a été lancée sur les réseaux sociaux depuis des États-Unis. On a beaucoup craint qu’elle s’amplifie et se déchaîne à l’occasion de la fête d’Halloween, au point que beaucoup de municipalités ont pris des mesures pour la prévenir à cette occasion.

 

Ce qui me semble le plus préoccupant est le mélange et le brouillage qu’elle peut provoquer dans l’esprit. Normalement ce dernier, sans être forcément manichéen, aime bien catégoriser, mettre de l’ordre dans ses valorisations et ses refus. Or faire d’un personnage normalement comique un personnage inquiétant confond tous les repères structurants.

 

Déjà Orange mécanique, le film de Kubrick inspiré du roman de Burgess, montrait son « héros », Alex, commettant toutes ses atrocités déguisé en clown.

 

Voyez aussi le cas du Joker, modèle de méchanceté, et antithèse complète du personnage de Batman.

 

On pourrait voir là un signe prémonitoire de la fin d’une société taraudée par le nihilisme, perdant tous ses repères, et à l’image de ce que disent les sorcières de Macbeth (« Le beau est affreux, et l’affreux est beau ! »), plongeant dans le chaos d’une ambiguïté totalement déstabilisante.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 20 novembre 2014

 

D.R.

 

***

Ce texte est extrait de mon dernier recueil d'articles Petite philosophie de l'Insolite. L'ouvrage est disponible en deux formats, papier et livre électronique (E-Book). On peut en feuilleter le début en cliquant ci-dessous sur : Lire un extrait. On peut le commander sur le site de l'éditeur en cliquant sur : Vers la librairie BoD. Il est aussi disponible sur commande en librairie et sur les sites de vente en ligne.

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

 

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7 mai 2024 2 07 /05 /mai /2024 01:00

C’

est l’image que donne très souvent aujourd’hui Internet, où l’odieux le dispute à l’ob­scène, et aussi à cette bêtise qui, on le sait, est la seule chose qui puisse nous donner une idée de l’infini. Dans cet égout, à la courageuse faveur de pseudonymes, les internautes se vautrent à qui mieux mieux.

 

Voici un exemple de cette fange nauséabonde. Le nom d’Andreas Lubitz, copilote de l’Airbus A320 de Germanwings qui s’est écrasé dans les Alpes, a été repris et exploité sur la Toile et les réseaux sociaux. Soupçonné d’avoir provoqué volontairement la chute de l’avion mardi 24 mars dernier, de nombreux profils homonymes ou à son effigie ont vu le jour sur Facebook et Twitter.

 

Mais le pire est qu’il y a des pages qui le glorifient. En effet, y fleurissent des mentions comme « artiste », ou encore « héros de l’État islami­que ». On sait pourtant qu’à ce jour aucun lien n’a été établi entre Andreas Lubitz et une quelconque organisation terroriste (Source : 6Medias, 27/03/2015).

 

Maintenant on s’autorise tout, on ne voit plus d’abjection à rien, on n’a plus aucun élémentaire respect pour la douleur des victimes. Bien sûr on pourra toujours dire que ces faux profils au nom du copilote relèvent juridiquement de l’« usurpa­tion d’identité ». De même, l’expression de « héros de l’État islamique » tombe assurément sur le coup de la « loi Cazeneuve » du 13 novembre 2014, punissant « le délit d’apologie du terrorisme ». Mais enfin, indépendamment de tout cela, je me demande comment certains esprits peuvent être aussi dérangés, et insoucieux de ce qu’ils profèrent, pour en arriver là.

 

Internet devient l’image d’un total n’importe quoi, avec résonance mondiale. C’est la différence avec le café du commerce d’antan, où le n’importe quoi des clients ivres n’en dépassait pas les portes. On voit sur la Toile une animosité chronique, des agressions sans mesure, voire des lynchages en direct. Quel dégoût donne cet égout ! Je reprendrais volontiers quant à moi la parole de saint Polycarpe, dont Flaubert avait fait sa devise : « Dans quel siècle, mon Dieu ! m’avez-vous fait naître ! »

 

[v. Admiration]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 16 avril 2015

 

D.R.

*

 

Retrouvez d'autres textes insolites comme celui-là dans le livre suivant

(cliquer sur l'image ci-dessous) :

 

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5 mai 2024 7 05 /05 /mai /2024 01:00

Elle peut se faire de façon directe, par apostrophe, prise de parole et désir de convaincre l’autre, ou bien de façon indirecte, comme a entrepris de le faire un prêtre breton, qui propose aux habitants de Poitiers des crêpes au parfum de « bienveillance », préparées dans son camion aménagé en cuisine ambulante. Ce food truck solidaire est appelé Frère Truck. (Source : lepelerin.com, 18/04/2024)

 

Cette démarche est évidement un signe de la profonde déchristianisation de notre société. Les églises se vident, et on espère lutter contre cette tendance par des expédients inattendus, l’appel à la gourmandise par exemple. On peut sourire ironiquement devant cette initiative, trouver qu’on mélange indûment des rôles et des domaines et qui devraient rester séparés. Et on peut même se scandaliser de cette « profanation ».

 

Mais je ne le ferai pas, trouvant l’entreprise sympathique. Le prêtre espère qu’à l’occasion des rencontres qu’il fait dans ce cadre une conversation peut s’engager, qui pourra amener son client à passer de la nourriture physique à la nourriture spirituelle, et à entrer un jour dans une église. Il cite un des passages de l’Évangile qu’il affectionne particulièrement : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Matthieu, 11/25)

 

« Sympathique », ai-je dit. Mais peut-être assez naïve aussi. Qui dit que les clients une fois rassasiés (si succulente soit la crêpe) iront plus loin ? Qu’ils comprendront, pour adapter une parole biblique, que l’homme ne vit pas seulement de crêpes ? C’est il me semble leur faire un grand crédit. L’inappétence de la plupart des gens aujourd’hui pour une quelconque dimension spirituelle à donner à leur vie est très grande. Je dirai même plus : il y a en général un désintérêt très répandu pour les choses de l’esprit. Je le constate dans les conférences que je donne, où les auditeurs veulent bien être nourris dans l’instant comme des oiseaux à qui on donne la becquée, mais ne creusent pas plus avant une fois la réunion terminée. Rares ceux qui après avoir absorbé choisissent de digérer ce qu’ils ont entendu, par la lecture d’un livre par exemple.

 

Je crois que la cause en est plus la paresse que la malignité. On se dispense de l’effort que demanderait l’approfondissement d’une rencontre, et on peut renoncer alors à voir l’homme de Dieu derrière le vendeur de crêpes. C’est bien dommage.

 

La crêperie solidaire propose des prix qui défient toute concurrence: 50 centimes la crêpe nature et 1€ celle au sucre ou à la confiture. (D.R.)

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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