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9 avril 2024 2 09 /04 /avril /2024 01:00

E

lle est une lettre de recommandation que nous portons sur notre figure, ou un sauf-conduit pour notre personne tout entière : et c’est aussi, comme la grâce toute-puissante pour les chrétiens, une injustice dont on bénéficie. Par là elle peut tout excuser ou absoudre.

 

C’est à quoi j’ai pensé en lisant un fait divers paru sur la Toile, « La cambrioleuse la plus sexy du monde » (6Medias, 22/09/2014)

 

Il s’agit d’une canadienne de 21 ans, qui s’adonne au cambriolage de maisons inoccupées. Interpellée en août, elle est suspectée de plus de 40 vols par effraction et de possession d’armes à feu, 108 chefs d’accusation en tout. Elle comparaîtra le 17 novembre face à la justice.

 

L’important dans cette histoire est qu’elle est jeune et jolie, et a publié sur Facebook des photos attestant de sa plastique avantageuse, ce qui a semé des émois sans nombre parmi les internau­tes masculins. À certains, elle a même donné envie qu’elle vienne cambrioler leur domicile : ils lui ont donné leur adresse pour cela. Un familier de Twitter a aussi succombé à ses charmes : « Elle peut voler mon cœur n’importe quand. » Et le tabloïd britannique Mirror a écrit qu’elle était « aussi chaude que les marchandises qu’elle est accusée d’avoir volées. »

 

Je ne sais si les juges vont être sensibles dans leur décision au physique de la délinquante. Mais cela m’a fait penser aussi à l’histoire de Phryné, hétaïre (courtisane) très belle, qui dans la Grèce antique fut accusée d’impiété. Elle fut défendue par l’orateur Hypéride, l’un de ses amants. Selon Athénée, celui-ci, sentant la cause perdue, aurait déchiré la tunique de Phryné, dévoilant aux Héliastes (les Juges) sa poitrine et emportant ainsi la faveur du jury : Phryné fut acquittée et portée en triomphe au temple d’Aphrodite tandis que le rhéteur adverse fut chassé de l’Aréopage.

 

Cette Phryné a notamment inspiré une toile à Jean-Léon Gérôme (Phryné devant l’Aréo­pa­ge, 1861), et là c’est la nudité entière de Phryné qui émoustille les juges et renverse leur décision. Vous pouvez voir sur Internet la reproduction de ce tableau, mais le plus connu des réseaux sociaux risque de le censurer...

 

... Je ne tire de ces faits aucun jugement moralisateur. Je me contente de constater que rien n’est nouveau sous le soleil, comme le dit l’Ecclésiaste, ou bien que toutes choses sont toujours les mêmes, comme dit Lucrèce (eadem omnia semper). Ainsi vont les hommes, et au désir de justice s’opposera toujours la fascination pour la beauté !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 9 octobre 2014

 

Jean-Léon Gérôme, Phryné devant l’Aréo­pa­ge, 1861 (D.R.)

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 01:00

J’ai vu sur Arte, le 23 avril dernier, le film La Confession, de Nicolas Boukhrief, inspiré du roman Léon Morin prêtre de Béatrix Beck (prix Goncourt 1952). L’héroïne est une jeune femme communiste athée qui par bravade entreprend une relation avec un prêtre, dont finalement elle tombe amoureuse. Mais lui la repousse catégoriquement, et cet amour qui lui est offert se heurte chez lui, même si secrètement il peut lui être sensible, à une armure sans faille, où j’ai vu pour ma part un bloc inexpugnable de doctrine.

 

Le principal moteur de l’histoire est évidemment le caractère sacré du prêtre, au sens propre de séparé des autres hommes, et agissant in persona Christi (dans la personne du Christ), par exemple dans la pratique de la confession, qui est un motif essentiel et une scène récurrente du film. Je me suis alors demandé d’abord si ce non possum du prêtre, ce refus de partager l’amour qui lui est porté, était bien compatible avec un minimum d’humanité. S’accordait-il ensuite avec les textes évangéliques, dont pourtant se réclame toute la construction chrétienne ? Jésus ne laisse-t-il pas venir à lui telle pécheresse dont il nous dit qu’en l’approchant elle a montré beaucoup d’amour (Luc 7/47) ?

 

Je sais bien qu’on peut dire qu’il y a amour et amour, en pensant par exemple aux anciens Agapètes, qui en mêlaient les genres (rien d'impur pour qui est pur). Mais réflexion faite je ne suis pas d’accord avec leur condamnation pour hérésie, pas plus qu’avec les censeurs ecclésiaux et doctrinaires qui pourraient prétendre encore trancher entre amour humain et amour divin. Qui nous dit d’ailleurs que le premier ne peut pas être une propédeutique ou une anticipation du second ? Et que penser du refus que le prêtre lui oppose d’emblée, au risque de condamner celle qui le lui offre à un reste de vie fait de frustration et de douloureux échec, comme dans le film, ou même à la mort volontaire comme dans La Faute de l’abbé Mouret, de Zola ? Suffit-il de pleurer sur l’éternel mélodrame de l’invitus invitam (ils se séparèrent malgré lui, malgré elle) ?

 

Mais heureusement on vient d’apprendre qu’en Espagne l’évêque émérite de Solsona, Mgr Xavier Novell, qui avait démissionné de sa charge en 2021, à l’âge de 52 ans, a obtenu une dispense du pape François pour pouvoir se marier à l’église avec la psychologue et écrivaine Silvia Caballol (Source : cath.ch, 02.04.2024) Allons ! La doctrine n’est peut-être pas inflexible !

 

D.R.

 

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5 avril 2024 5 05 /04 /avril /2024 01:00

L

a presse s’est fait récemment l’écho d’expositions de véritables cadavres, plastifiés par les soins d’un anatomiste allemand, dans un but présenté comme pédagogique. Maintenant interdit en France, ce genre de manifestation a lieu encore à Berlin, où l’on montre même des cadavres en train de copuler !

 

La mort est une langue étrangère, en ce sens qu’on ne sait rien d’elle, ni s’il y a quelque chose après, ni s’il n’y a rien. Ce qui nous est montré ici par conséquent, la réalité purement matérielle de ce qui reste quand la vie a disparu, ne l’épuise pas. Ne serons-nous vraiment que cela, quand nous passerons sur l’autre rive, dont personne n’est jamais revenu pour nous dire ce qu’on y trouve ?

 

La sagesse serait ici d’accepter l’ignorance. La mort n’est pas que ce que nous en voyons. Et quand elle nous atteint, nous ne nous réduisons pas à elle. Il y a barbarie à la ramener au cadavre, au seul trépas, à quoi de telles expositions nous exposent.

 

De toute façon ce voyeurisme malsain est pris dans le grand circuit mercantile, où on fait argent de tout. On soupçonne que tels cadavres exposés sont ceux de condamnés à mort en Chine. Pourquoi alors ne pas en revenir aux exécutions publiques, et même payantes ?

 

Il se peut aussi que donner son corps à exposer ainsi soit pour certains une ressource financière, ou une façon d’éviter les frais des funérailles, ou une manière tout à fait irrationnelle de survivre et d’éviter la pourriture dans la terre, ou l’éva­poration en fumée de l’incinération.

 

Obscène, cette spectacularisation est aussi morbide. Car respecter les morts, ce n’est pas les avoir constamment sous les yeux, c’est se séparer d’eux, ne plus vivre à leur contact, les « tuer » comme on dit en Afrique, c’est-à-dire les transformer en ancêtres, qu’on ne voit plus mais auxquels on pense. La vie est à ce prix.

 

On leur affecte un jour dans l’année, le lendemain de la Toussaint chez nous, et ensuite on revient à la vie. Sinon on est un mort-vivant, un vampire : celui que la mort possède encore, et empêche de vivre. Pareille obsession possède le héros du film de Truffaut La Chambre verte, ainsi que celui de Dracula, de F-F. Coppola.

 

Ce n’est pas pour rien que l’Église, qui condamne le divorce, admet le remariage des veufs ou des veuves : une fois le deuil fait, ils peuvent se réinsérer dans le grand circuit de la vie, s’arracher à l’obsession de l’être perdu, si cher leur ait-il été.

 

Il y a danger à avoir une vision trop proche et constante de la mort. Il y a des tâches plus urgentes. S’il faut donc laisser les morts enterrer les morts (Matthieu 8/22 ; Luc 9/60), laissons les morts-vivants maintenant plastifier les cada­vres…

 

Article paru dans Golias Hebdo, 14 mai 2009

 

D.R.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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